Emmanuel Hiriart- Directeur de la Photographie

les 7 péchés capitaux de RED.

Je dois faire un dernier retour sur cette notion de « révolution » à faire vous même tellement l’actualité (y compris à travers le décès de Steve Jobs) nous ramène ces temps-ci à ce topic. Car la mort de l’icone de l’informatique et du marketing moderne ne doit pas nous faire oublier qu’il doit beaucoup au HomeBrew Computer club, cher à Steve Wozniak, du temps où de simples amateurs éclairés ont transformé l’informatique pour la faire rentrer dans une nouvelle ère, qui depuis à pris le chemin que l’on connait, reniant par là même l’identité et la morale du club amateur pour verser dans les brevets et la propriété intellectuelle. Certains diront que la fin de cette époque du DIY (fais le toi même) à mis fin aussi à un modèle qui n’avait pas de place dans le capitalisme ambiant. Pourtant quelques marques font persister ou perdurer cet esprit ou s’en revendique, et parfois s’en serve aussi comme argument commercial : « Nous sommes différent, parce que nos créations sont le fruit d’une énergie et d’une organisation qui n’est pas celle des simples produits que vous pouvez acheter par ailleurs », voilà en résumé plus qu’un modèle économique, une idéologie que l’on peut prendre pour révolutionnaire.

Et beaucoup sont les utilisateurs qui en viennent à aimer une marque aussi parce qu’elle est différente, voire révolutionnaire.

Aujourd’hui, Jim Jannard, le patron de RED tente de nous expliquer par une message en 7 points sur le forum de la marque pourquoi « nous n’aimons pas RED ». Il voudrait par ce petit message dont la tonalité lui est propre nous dire que c’est parce que RED est différent et innovant dans bien des domaines que justement nous lui portons une affection particulière. Le problème étant que ni lui ni les utilisateurs du forum en question en semblent répondre réellement aux attentes « basiques » que nous devrions avoir vis à vis d’une caméra avec laquelle nous estimons faire l’image la plus belle possible.

Ainsi ses 7 points rappellent des vérités : ils ne sont pas représentatifs du modèle économique et institutionnel de l’industrie globale, ils parlent trop, ils ne tiennent pas les délais, et ceux-ci sont trop longs, ils feraient trop de mise à jour, ils changent trop de stratégies, et ne donnent pas assez de détails ou de documents notamment écrits à leurs utilisateurs…

Mais aucune de ces vérités ne semble vraiment écorner l’image de la marque, en effet sauf à penser que certains points peuvent nous faire penser qu’ils sont trop amateurs, et qu’ils ne savent pas vraiment où ni comment ils vont, le simple fait que leurs caméras sont utilisés par tel ou tel grand nom de l’industrie, puis que pour le prix nous pourrons nous aussi filmer non pas en 1080P mais en 4 ou 5K, nous font oublier que si nous aimons les belles images nous aimons aussi les beaux objets, et qu’en tant que travailleur de cet industrie nous voulons aussi des conditions de travail si ce n’est confortable en tout cas efficaces. Parce que Jim semble oublier totalement le design de sa caméra dans « ses critiques » et son ergonomie voire son incapacité à fonctionner réellement au moment où nous la recevons. Que dire d’une caméra qui aurait soit un view finder soit un moniteur mais pas les deux en même temps, d’une caméra qui chaufferait tant qu’on devrait la refroidir avec de la glace, d’une caméra qui serait livrée sans ses batteries… Tous ces délais et améliorations du firmware notamment sont en fait un moyen de nous faire croire que nous participons à l’écriture de belles pages du cinéma. Ainsi en me donnant l’illusion que je suis privilégié car j’ai enfin recu ma caméra (non complète) avant les autres au prix fort et après un attente presque désespérée j’ai cette impression de faire partie d’une famille là où je ne suis qu’un client. En devant essuyer les platres au cours des premières heures, et en constatant que ces heures là sont telle une journée sans fin, je pense etre un ami de Jim voire un réalisateur qui compte et qui fait avancer les choses, alors que je me tue en tournage puis en post-production à chercher des solutions. L’absence de documentation ou d’informations précise m’obligeant à chercher tel un geek que je deviens sur le net la moindre petite indication qui me permettra d’utiliser ma machine…

Et cela est bien confirmé par les réponses des utilisateurs face à Jim le Gourou (malgré lui?) pour qui j’ai le plus grand respect par ailleurs mais dont je regrette qu’aucun de ses points ne parlent de l’ergonomie et l’utilisation de sa caméra dans le seul but de faire des images avec un bel objet capable, et puissant mais pas seulement.

Quelques jours après la mort de Steve Jobs je sais qu’il n’est pas bon de tirer sur les mythes et les « grands hommes » de notre industrie et ça n’est d’ailleurs pas mon propos, leurs produits ont changé ma façon de travailler et ma conception même du travail mais il est alors de notre devoir de ne pas nous laisser émerveiller par des effets d’annonce et de la poudre aux yeux, leurs péchés ne sont pas tant ceux là, nous devons leur dire, n’oubliez pas le but même de vos machines, à savoir créer.

Les commentaires sont fermés.