Emmanuel Hiriart- Directeur de la Photographie

Une petite boite et de grands rêves.

Alors que la plupart d’entre nous attend les annonces respectives de Canon et de RED ce même 3 Novembre fut choisit par Lomo (la petite société qui fait des appareils photo analogiques amusants et en plastique) pour nous révéler son dernier petit jouet à 80$, le Lomokino. Un petit boitier équipé d’un objectif de 25mm permettant manuellement d’enregistrer presque une minute de film super 35 (144 images par rouleau contenu dans la « magicbox ») dans un format de 24mm par 8,5mm avec un shutter d’une vitesse de 1/100 et un diaph d’une ouverture maximale de F/5.6. Biensur pas de son, pas d’effet si ce n’est le pur produit de votre esprit et l’histoire que vous voudrez bien mettre en scène grâce à cette simple boite.

Outre le format et le prix qui me donne envie de l’emmener un peu partout avec moi j’ai grand plaisir à tourner plein de petites séquences et de redécouvrir le plaisir simple de la pellicule. Pas de gadget, pas de 3D, pas de technologie, pas de software couteux, pour quelques dollars de plus vous pouvez même acquérir de quoi le projeter pour vos amis. Un simple objet revenant à faire des films comme Chaplin, Eisenstein un siècle plus tard et avec moins de talent ou d’audace, mais si l’audace et le talent ne sont pas là, à quoi bon investir dans un caméra à 50.000$ ou plus?

Un peu d’histoire en relief.

Parce que c’est bien là, la question qui nous reste sur les bras, à l’heure où l’industrie cinématographique agonise et tente de nous vendre sa technologie 3D/Relief, et que visiblement le public semble assimiler le concept si c’est en 3D c’est que c’est mauvais…

Car avec la 3D il semblerait que l’industrie du cinéma au sens large s’est bien moqué de nous :

Ainsi il faut se souvenir que la « technologie » 3D date de 1893 et que les lunettes bicolores que j’ai découvert petit pour visionner le monstre du Lac Vert à la télévision servaient déjà à donner du relief aux photographies de l’époque grâce à un brevet de stéréoscopie polarisante. Lorsque le Cinématographe arrive il est alors normal que les frères Lumière filment « l’arrivée du train » selon cette méthode. Plus tard de nombreux succès notamment de Hitchcock vont reprendre ce procédé afin de donner encore plus d’impact et de spectateurs à leurs oeuvres.

Je me souviens aussi que gamin j’en ai pris plein les yeux dans les cinéma IMAX grâce à la technologie de projection alternée, et que l’arrivée du numérique va bien sur continuer sur ce chemin déjà centenaire.

Un second souffle pour l’industrie.

De nombreux grands noms du cinéma vont tenter l’expérience, le plus connu d’entre eux est surement James Cameron dont Avatar (qui est tourné en simple HD) va avoir le succès que l’on connait et faire croire à l’industrie toute entière qu’ils ont là une solution à tous leurs problèmes, piratage et manque d’audience. Il est utile de noter dès maintenant qu’il semblerait que Avatar soit aussi le film le plus piraté (en 2D) de l’histoire récente du partage de films sur internet.

A l’heure de la sortie de Tintin de Spielberg, il faut aussi revenir sur le parcours des films qui ont tout joué sur la 3D pour se faire une place au box office dans le sillage du film en trompe l’oeil de Cameron.

Le pire exemple étant surement « Le Choc des Titans » dont il est de notoriété public qu’il a été tourné en 2D puis repassé à la moulinette numérique pour se présenter à nous en relief, le scénario avait du ne pas survivre à ce procédé et la médiocrité technique du résultat a du faire fuir plus d’un spectateur. La liste est devenue longue des films que l’on ose pas aller voir (même avec ses cousins) tellement on est sur que ce sont des navets et que la 3D n’est là que pour sauver les apparences. Au prix du ticket d’entrée déjà scandaleusement élevé qui va connaitre avec ce tour de magie une inflation de 10%, on comprend que beaucoup se disent que le téléchargement fera aussi bien l’affaire.

Je ne me désespère pas d’autant plus que j’ai vu au moins deux très bons films en relief depuis cette période (la créature du lac vert reste un très bon souvenir mais je vais essayer de me consacrer à des films récents).

« Pina » de Wim Wenders et « La grotte des rêves perdus » de Werner Herzog, dans les deux cas on est subjugué par les images et l’on se dit que la technique sert l’histoire comme jamais. Je suis un fidèle défenseur du cinéma et de ses salles, du rite quasi sacré auquel on se prête en rentrant dans l’obscurité et en visionnant dans le noir et le silence un film sur grand écran. Je ne considère pas que lorsque je voyage en train ou en avion  je regarde un film sur mon petit écran ridicule et dans une ambiance tout juste bonne à rater une partie de sudoku. Voilà pourquoi je retourne au cinéma pour voir, pour regarder pour écouter, pas sur à ce titre que j’ai envie de m’équiper d’un téléviseur 3D pour visionner les dernières productions, pas sur non plus que j’ai envie de filmer en 3D sauf à avoir l’occasion de travailler avec Werner Herzog. Vous me direz qu’à l’arrivée de la couleur sur nos écrans beaucoup pensaient comme moi et que l’histoire prouve qu’ils ont eu tort? Pas si sûr au moment où je filme une petite séquence en noir et blanc sur de la pellicule 35mm sur mon LomoKino. Et ce soir j’irai voir la version « longue » et restaurée de « Métropolis »…

Les commentaires sont fermés.