Emmanuel Hiriart- Directeur de la Photographie

Interviews

Tunisie

Trois mois après la révolution tunisienne je rejoignais trois amis à Tunis pour y tourner un documentaire reprenant les différentes positions politiques des acteurs de l’opposition à Ben Ali. Parmi les nombreuses interviews que nous avons alors réalisées il y avait eu cette rencontre avec Chokri Belaïd, tristement rendu célèbre le 6 février dernier lorsqu’il fut assassiné devant chez lui par des inconnus. Voilà donc l’entretien en question.


Changer le cadre et le regard dans l’Interview.

Lorsque l’on fait beaucoup de documentaires on est amené à tourner des interviews et donc à se poser la question de la mise en place, de l’éclairage et du cadre notamment lorsque l’on capte à une seule caméra. Comment coller au sujet et à l’ambiance générale tout en « innovant » en apportant une vision et un style différents.

Hormis de nombreuses recherches personnelles visant à varier l’éclairage pour coller aux propos, à l’émotion et à l’ambiance du film, ou à chercher un cadre et un décor favorisant la concentration sur les propos des intervenants, c’est en regardant de nombreux films que je peux trouver certaines influences. S’il peut sembler que depuis le temps on aurait fait le tour du sujet notamment en matière d’éclairage ou de cadre il faut constater que certains projets récents et ambitieux nous ont apportés de quoi réfléchir à nouveau à la façon de filmer cet exercice.

Vous pensez déjà que cela nécessite une grosse mise en place et de couteux accessoires? Il n’en est rien, un peu de bricolage et quelques kinos, rien de plus, à quoi l’on rajoute effectivement un petit accessoire, le eye-liner qui permet de « voir » l’intervieweur dans l’axe de la lentille de la caméra ainsi l’interviewé porte son regard non plus de coté mais bien droit dans les yeux de son auditoire. Le procédé m’intéresse suffisamment pour que j’ai envie de l’utiliser depuis longtemps pour une série documentaire sur laquelle je travaille avec une nouvelle télévision. Je vais donc détailler cette méthodologie afin de démontrer que l’on peut encore faire progresser l’interview à une seule caméra.

Si le procédé est donc connu et qu’il vous suffit d’acquérir ou de louer l’Eye-liner pour quelques euros ou dollars et que le système de miroir encore faut il que votre sujet nécessite ou ne contre dise pas que l’axe du regard soit droit dans l’objectif de votre caméra. Le meilleur exemple en la matière est surement le travail de Logan Schneider pour « America in Prime Time », série de portrait de grands noms de Hollywood qui se confient face caméra pour raconter l’envers du décor que vous pouvez retrouver sur PBS en ce moment. Vous pouvez d’ailleurs retrouver cette interview de Logan Schneider dans le numéro de Novembre de American Cinematographer.

Logan a utilisé une très belle caméra, une Arri D21 et un seul zoom Angénieux 24-290mm 2.8T signifiant que les moyens de la production étaient à la hauteur de leurs ambitions. Ils disposaient d’ailleurs de deux studios identiques, l’un à New York City, l’autre à Los Angeles. Mais ce choix assez simple et léger est souvent celui auquel on est confronté sur un tel projet. C’est en tout cas un choix matériel que je fais souvent lorsque j’ai a tourner ce genre de projet, un seul zoom, une seule caméra et comme souvent la production lui demandant de livrer son produit dans un format et un codec de très bonne qualité et en 4:2:2 il va adjoindre un enregistreur externe Sony HDCam SR afin d’avoir un workflow cohérent et pratique.

 

Coté éclairage, de même, il va utiliser quelques kinos  dont celui faisant office de Key Light est placé de 3/4 et largement diffusé, et celui en Back Light vient contraster le côté opposé du visage de l’interviewé. Son arrière plan, éclairé par touches, est lui, composé de plaques de Plexiglas, une matière que l’on retrouve dans le premier plan, donnant ainsi plus de profondeur à l’image à travers des tubes qu’il a placé de chaque côté de sa mattebox afin de donner cette illusion de flou et de diffusion de la lumière autour du sujet. Ce dernier, située à presque 3 mètres du Eye-liner, regardant donc droit dans l’axe de la caméra. L’éclairage très contrasté et chaleureux accompagné de ce décor et de ce procédé donne donc à l’ensemble une atmosphère propice à des confessions, Schneider se contentant parfois de jouer avec le zoom pour varier lors de l’interview le cadre de celle-ci. C’est à travers des exemples ingénieux et assez simples que l’on peut se questionner pratiquement sur notre manière traditionnelle de travailler et de faire un cadre et une belle photographie sans pour autant avoir besoin d’une débauche de matériel et de technologie. Cela me donne encore plus envie d’essayer sur une prochaine production cette technique afin de donner encore plus de fond aux propos des intervenants.

Enfin je voudrais terminer en signalant que , suite à la journée de conférence  » Le fabuleux destin de la couleur » du 3 novembre dernier à l’école nationale supérieur Louis Lumière vous pouvez retrouver sur le site de Colorpipe.org différentes analyses et retour d’expériences sur les nouvelles normes et technologies en matière de colorimétrie et d’étalonnage.


Le Printemps de Tunisie

C’est avec un peu de retard que je fais le compte rendu de ce tournage en Tunisie où j’ai eu l’occasion de filmer des interviews de personnalités politique ou de la société civile qui prennent part dans le changement de régime du pays. Qu’ils soient simples bloggeur ou avocats, syndicalistes ou militants islamistes, des hommes et des femmes qui pendant une semaine nous ont livrés leurs sentiments et leurs espoirs sur la Tunisie de demain. Le voyage étant sous le signe de la générosité j’ai pu embarquer une Alexa ainsi que d’une 5D qui m’a surtout servie à faire des plans serré grâce à un zoom 70-200mm 2.8 (non stabilisé) mais aussi de nombreuses photographies du pays que je découvrais.  J’ai du composer souvent assez rapidement et les quelques exemples que je poste ici ne sont pas retouchés juste synchronisés et déposés sur mon compte viméo. Il s’agissait de faire un pilote pour un projet de revue sur internet et en arabe.

Le projet se continue et je compte bien améliorer tout ceci notamment en filmant ces interviews à deux caméras sans que l’une d’entres elles ne se coupent après 12 minutes, si vous voyez ce que je veux dire?

Enfin à l’heure où j’écris ces quelques lignes le Staff de Canon m’apprend que le 3 novembre prochain une annonce pourrait changer la donne concernant les HDSLR. Depuis l’acquisition au Japon de ma 5D lors de sa sortie j’ai pu malgré tout passer de bons moments avec elle. Aujourd’hui c’est vrai que c’est plus qu’une mise à jour que l’on attend pour être honnête, mais on en demande peut être trop? noter le 3 novembre sur vos tablettes.


Mon « Premier Cannes » avec le Monde.fr

Je vous passe l’anecdote par laquelle j’ai débarqué dans cette histoire, l’important étant que le site du journal Le Monde désirait mettre en lumière de jeunes talents qu’ils soient réalisateurs, acteurs, ou autres. Leur seul point commun devait d’être à Cannes pour la première fois. D’où le titre, mon Premier Cannes. De petites interviews un peu décalées avec entre autre Little Bob le rockeur du Havre, un vrai personnage avec qui j’ai passé un bon moment sur la croisette, mais aussi Clémence Poésy (pour un film sur Jeanne d’Arc) ou Mia Wasikowska (la Alice de Tim Burton)pour une touche plus glamour.

Par ailleurs on profitait de l’occasion pour mettre en boite une interview avec John C Reilly (le pote de Will Ferrell) puis de faire deux épisodes de la séries « États Critiques » avec la quasi totalité de l’équipe cinéma du journal, pas forcément dans les meilleures conditions de tournage mais bon parfois c’est ainsi.

Techniquement j’ai tourné ces entretiens avec deux caméras le plus souvent, un 5D et un 550D que j’essayais pour l’occasion, mais aussi pendant 3 jours avec une Arri Alexa. Quelques optiques Canon série L, ou Zeiss sur la Arri, des filtres ND et un enregistreur audio Tascam. L montage se faisait dans FinalCut sur mon Macbookpro 17 pouces que je venais de récupérer. Un passage en retouche couleur sur Color et un upload sur Dailymotion, le journal travaillant avec ce site de partage, qui nous valu quelques ratés. Chaque jour un tournage, un montage et un encodage, j’étais seul pour faire tourner cette petite séquence mais bien aidé par l’équipe cinéma du quotidien. A cette occasion un périphérique de stockage en Thunderbolt m’aurait grandement sauvé la mise, mais j’en restais à des disques LaCie en ESata via le port expresscard. L’absence d’éclairage ou d’un ingénieur du son me limitait dans ce travail à devoir faire un peu tout et m’arranger avec la lumière ambiante mais malgré tout ce dispositif tient la route pour de l’interview courte en plan fixe et une diffusion sur internet.

Une expérience que le journal devrait renouveler et surement décliner à d’autres aventures.