Emmanuel Hiriart- Directeur de la Photographie

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Révolution numérique?

Lorsque la RED est sortie je me souviens que les discussion autour de moi tournaient surtout sur la taille du capteur et sur le format 4K qui allait avec. Rares étaient les commentaires sur l’ergonomie ou les quelques défauts de la caméra, même si les premières versions chauffées au point de nécessiter des « bains » de glace entre deux prises. Le prix de la bête faisait oublier bon nombre de ces problèmes et puis le modèle économique et l’ambiance de la société et de son président, Jim Jannard, notamment faisait que ce « work in progrès » devenait une règle. Alors que ce milieu était jusque là (à mon sens) très fermé et conservateur il s’ouvrait à une mentalité qui lui faisait accepter de tourner avec une caméra peu stable à ses début et dont la qualité d’encodage de ses fichiers n’étaient pas tout à fait ce qui était promis à la base. Tout cela pour être monté dans le train de la révolution en marche, encore fallait il prendre le bon train.

Car vous savez quand deux trains sont à quai et que l’un démarre les passagers de l’autre toujours au point mort ont l’impression que ce sont eux qui se déplacent. Cette impression, que j’appellerai l’illusion d’une révolution, se répandit un peu partout dans le monde de l’image. On ne parlait plus que de cela et le simple fait de tourner avec ce nouveau type de caméra faisait presque que l’on devait aller voir tel ou tel film. Pourtant tout ce qui bouge n’est pas rouge et parfois le rouge ne fait pas à lui seul une révolution.

Ensuite vint le temps des moins fortunés qui eurent enfin aussi accès à des caméras « que l’on monte soit même » et qui donne l’illusion que l’on a tourné avec une vrai caméra sauf si l’on y regarde de plus prêt. Canon en effet sortait presque malgré lui un hdslr, la 5d qui pouvait faire des fichiers vidéos et les encoder en H264, un format qu’on employait alors pour mettre son showreel sur internet ou pour encoder des films pour son ipod, je plaisante à peine. J’aimerais aussi rappeler qu’au départ tout était quasiment automatique, même si Canon ou Magic Lantern ont sur faire évoluer le firmware de ce très bon appareil photographique. Mais il n’y a toujours rien d’acceptable pour contourner cet encodage (pas de sortie celant via le hdmi) ou pour pouvoir l’utiliser sans que la petite bête ne devienne un mécano ou un jeu de Lego selon qu’on est plus brique ou bout de ferraille.

Aujourd’hui RED et Canon nous promettent, le même jour, une annonce qui va changer le monde de l’image digitale, et le 3 novembre je n’en doute pas, moi aussi  je ferai un petit mot pour m’émerveiller (tout ou partie de moi même, je le sais, sera subjuguée). Pourtant ces effets d’annonce depuis la Californie (et notamment le retard important prit par les gens de chez RED) devraient nous faire réfléchir sur la prochaine vraie révolution que nous utilisateurs de caméras voulons voir arriver.

Si je ne renie pas mon plaisir à tourner avec la RED One et plus récemment avec la Epic, ni même d’avoir était bluffé par quelques plans à la 5d, voire avec un Olympus Pen 1, notamment dans quelques films comme « Black Swan » (Matthew Libatique, scène dans le métro),  « Secretariat » (Dean Semler, plan rapproché de chevaux en pleine course)) ou « Road to Nowhere » de Monte Helman. Pour autant cette course aux gros capteurs et aux résolutions démesurées, me rappellent un peu la course à l’armement du temps de la guerre froide. En se figeant sur des chiffres ont en oublie le design et donc l’utilisation de notre outil de travail. (Et je ne veux pas aborder ici l’absence de scénario sous prétexte que le film est en relief) Pour avoir du tourner à nouveau avec une 5d le long d’un champ de course hier encore, je vous le dis, autant j’ai du plaisir à faire des photos HDR avec mon Canon, autant tourner des images vidéos est un calvaire qui relève du masochisme, même avec des équipements venant « aider » à la tâche.

D’autant plus qu’une autre révolution, un peu plus ancienne, pas si vieille que cela tout de même, nous permet de travailler sur des ordinateurs simples et efficaces avec une pomme dessus et de profiter d’outils de montage et de post production à la portée de presque tous et dont les capacités n’ont fait qu’étendre notre créativité depuis la version 1.0 de finalcut pro (sous l’ère de mac os 9) et de ses acolytes, color et motion pour ne parler que d’eux.

J’étais jusque là sous le charme de ces outils et de leurs possibilités, je ne me plaignais même que très rarement de leurs défauts et de leurs prix, l’industrie me permettait de rentabiliser mes G3 bleu et verts ou G4 titanium. Puis est venu finalcut pro X et avec lui un « appstore » où je sens que de créatif à qui l’on propose des outils de travail dans un environnement joli et efficace, je suis devenu peu à peu un simple consommateur d’une usine à faire des ipad/pod/phone mais de moins en moins des ordinateurs. Il y a même des gens qui vont me dire qu’avec un ipad j’ai un ordinateur et en plus une sorte de moniteur externe pour mon 5D et qu’en plus je pourrai monter le tout sur imovie, pardon finalcut X.

Désolé mais ça n’était pas tout à fait ce pourquoi j’avais signé au début de la « révolution ». Je pensais qu’on irait vers autre chose permettant plus de souplesse et à des moindres cout que le film 35 mm mais avec la même qualité de finition, mais non, on nous a fait le coup des compagnies « low cost » et nous sommes montés dans les « usines à gaz » en nous félicitant de la bonne affaire. Le prix réel de la chose aura été de fermer les yeux sur notre réalité de notre métier dans ces conditions là.

Au jour où j’écris ces lignes il y a pourtant quelques contres exemples et qui malheureusement confirme cette règle. La Arri Alexa, qui est superbe et d’une simplicité d’utilisation, mais à qui l’on reproche la manque de résolution. Et la A-Cam dII de Ikonoskop qui avec son capteur de 16mm souffre aussi des mêmes critiques. Je peux entendre certains me disant que le cout de la Arri la limite à de riches productions. Mais pourquoi y aurait-il un engouement si fort autour des hdslr et à l’inverse la petite caméra Suédoise dont le capteur Kodak CCD 16mm assez efficace, enregistre en RAW 12 bits au format CinemaDNG, souffrirait d’un silence cruel notamment au près de son coeur de cible, les petites réalisations indépendantes. Rien dans son fonctionnement ou son mode de distribution, dans la qualité de ses images ou dans son prix (moins de 8000 euros) ne justifient qu’on lui préfère un appareil photographique, et pourtant… D’autant que beaucoup de belles réalisations cinématographiques actuelles sont toujours tournées en 16mm (Benjamin Button, Black Swan, pour ne citer qu’eux)

Alors le 3 novembre prochain en Californie on nous annoncera surement du 4K, des capteurs surdimensionnés et d’autres mots qui font rêver mais en réalité nous le savons tous, nous ne rêvons pas d’une caméra contre productive, que nous devons changer tous les 3 ans et peu utilisable, nous voulons parce que nous sommes révolutionnaires, un outil de travail simple et efficace, le moins cher possible et le plus ouvert sur le monde qui nous entoure, à nous de faire le reste, à nous de le faire savoir.

Enfin pour finir en ces temps d’espionnage industriel avéré ou pas chez RED, il semble que la grosse annonce du 3 novembre concerne surtout un projecteur 4 K a technologie Laser qui diffusera du 2D ou du 3D. L’information me venant de gens de Element Technica qui semblent plus que sous le charme de l’engin. A suivre pour une nouvelle révolution?